Lorsque l’on commence à explorer les mathématiques qui se cachent derrière le développement web, on découvre très vite un terrain étonnamment familier. Les probabilités, qui semblaient n’être qu’une histoire de tirages de boules dans une urne, deviennent soudain un outil précieux pour comprendre comment fonctionnent nos scripts, nos algorithmes et même le comportement des utilisateurs sur un site. Après avoir posé les bases dans le chapitre d’introduction, il est temps d’aller un peu plus loin et de plonger ensemble dans deux notions essentielles : la probabilité conditionnelle et l’indépendance.
- Comprendre comment une information supplémentaire peut transformer votre manière d’évaluer un événement et améliorer la précision de vos analyses.
- Identifier quand deux phénomènes sont réellement liés ou totalement indépendants afin d’éviter les conclusions biaisées et les optimisations inutiles.
- Acquérir une méthode fiable pour interpréter les données de votre site ou de vos projets web avec plus de justesse et de recul.
Ces deux idées, que l’on rencontre tôt ou tard dès que l’on cherche à prédire ou analyser quelque chose, ne sont pas réservées aux statisticiens. Elles s’invitent partout : dans l’affichage d’annonces ciblées, dans l’évaluation du temps de chargement d’un script, dans les analyses de logs, dans les moteurs de recommandation, ou encore dans vos propres projets de développement web et de data. Pourtant, beaucoup de débutants n’osent pas s’y aventurer, persuadés que ce chapitre-là sera trop théorique. Nous allons démontrer ensemble que ce n’est pas le cas.
Nous allons avancer pas à pas, avec des exemples concrets et une approche pour débutant. L’objectif est clair : que vous compreniez profondément la logique derrière la probabilité conditionnelle et l’indépendance, et que vous soyez capable de les appliquer ensuite dans votre vie de développeur web ou dans votre quotidien.
- Comprendre la logique derrière la probabilité conditionnelle
- Pourquoi la probabilité conditionnelle est indispensable
- Comprendre l’indépendance entre deux événements
- Exemples appliqués au développement web
- Quand l’indépendance n’existe pas : les événements dépendants
- La formule de Bayes : une porte d’entrée vers le raisonnement probabiliste moderne
- Pièges classiques et erreurs à éviter
- Synthèse des notions clé : conditionnel et indépendant
Comprendre la logique derrière la probabilité conditionnelle
Pour entrer dans le vif du sujet, commençons par répondre à une question simple : qu’est-ce que la probabilité conditionnelle ?
L’expression peut sembler intimidante. Pourtant, son idée est parfaitement naturelle. Elle correspond au fait de recalculer une probabilité en tenant compte d’une information supplémentaire. On ne part plus de la situation globale, mais d’un contexte restreint. C’est un peu comme si l’on regardait un événement, mais à travers un filtre.
L’idée intuitive
Imaginez que vous participez à une formation en visioconférence sur Créa-Troyes. Parmi les personnes connectées, certaines utilisent Chrome, d’autres Firefox, quelques-uns Safari. Supposons qu’environ 40% utilisent Chrome.
Mais si je vous dis maintenant que vous ne regardez plus l’ensemble des participants, mais seulement ceux qui sont sur Mac, la proportion change. Peut-être que, parmi les utilisateurs Mac, 70% sont sur Safari, 20% sur Chrome et 10% sur Firefox. Dans ce contexte restreint, la probabilité qu’un utilisateur soit sur Chrome, sachant qu’il est sur Mac, n’est plus de 40% mais de 20%.
Vous venez de faire de la probabilité conditionnelle sans le savoir.
L’information « l’utilisateur est sur Mac » modifie complètement votre évaluation initiale. Vous ne considérez plus la totalité des participants, mais uniquement ceux appartenant à un sous-ensemble.
La définition rigoureuse, en douceur
En mathématiques, la probabilité conditionnelle d’un événement A sachant qu’un événement B est réalisé se note :
P(A | B)Ce symbole se lit « probabilité de A sachant B ».
La formule associée est :
P(A | B) = P(A et B) / P(B)Cela signifie que, pour connaître la probabilité que A se produise alors que l’on sait que B est déjà vrai, on regarde la portion de cas où A et B arrivent ensemble, et on la rapporte uniquement à la taille de B.
Pour l’instant, retenez simplement l’idée suivante : on ne regarde plus l’univers entier, seulement celui où B est vrai.
Pour les débutants : Initiation aux probabilités.
Un premier exemple simple
Imaginez un sac contenant 10 bonbons : 4 rouges, 6 bleus. La probabilité de tirer un bonbon rouge est de 4 sur 10, donc 0,4 ou 40%.
Maintenant, je vous dis que l’on sait déjà quelque chose : le bonbon tiré est un bonbon qui a un emballage brillant. Supposons que parmi les 4 rouges, 3 sont brillants, et parmi les 6 bleus, seulement 2 sont brillants.
Vous voulez connaître la probabilité qu’il soit rouge sachant qu’il est brillant.
Pour cela, on regarde uniquement les 5 bonbons brillants (3 rouges + 2 bleus). L’univers a rétréci. La probabilité devient alors :
P(rouge | brillant) = 3 brillants rouges / 5 brillants = 3/5 = 0,6Sans l’information « brillant », la probabilité était de 0,4. Avec cette information, elle passe à 0,6.
La probabilité conditionnelle n’a rien de mystérieux. Elle prend simplement en compte une nouvelle information qui modifie notre vision de la situation.
Exemple appliqué au développement web
Les exemples basés sur des bonbons sont mignons, mais voyons maintenant comment cela s’applique dans votre quotidien de développeur. Supposons que vous analysiez le comportement des utilisateurs de votre site web. Vous remarquez que :
- 25% des visiteurs cliquent sur un bouton “Contact”.
Mais vous notez aussi que :
- Parmi ceux qui viennent depuis Google, 40% cliquent sur ce bouton.
La question devient : quelle est la probabilité qu’un utilisateur clique sur “Contact”, sachant qu’il arrive depuis Google ? Vous l’avez déjà deviné : il s’agit d’une probabilité conditionnelle. Et elle est différente de la probabilité générale.
Cette distinction est fondamentale lorsque vous créez un site web ou optimisez votre tunnel de conversion. Comprendre les comportements « sachant que » vous permet d’adapter votre interface selon un public précis.
Sans probabilité conditionnelle, vous navigueriez à l’aveugle.
J’ai un ami développeur qui préparait un test utilisateur pour une application mobile. Ses statistiques lui indiquaient que « la majorité des utilisateurs abandonnaient la création de compte avant d’arriver à l’écran final ». Il paniquait presque, persuadé que son interface était mal conçue.
Après coup, il réalisa qu’une partie importante de ses testeurs appartenait à un groupe qui utilisait Android version 8, et que cette version introduisait un bug sur un champ d’input. Autrement dit, la probabilité d’abandon dépendait du contexte “sachant que l’utilisateur était sur Android 8”, et non de tous les utilisateurs.
Une simple probabilité conditionnelle bien calculée lui aurait évité une bonne dose de sueurs froides.
Pourquoi la probabilité conditionnelle est indispensable
Comprendre la probabilité conditionnelle ouvre des portes incroyables, non seulement dans le domaine des mathématiques, mais aussi dans le développement web. Voyons ensemble pourquoi cette notion est si puissante.
Pour analyser des données de manière fine
La donnée brute est souvent trompeuse. Une probabilité globale ne vous dit jamais toute la vérité. Dès que vous segmentez votre public, vos utilisateurs, vos événements, vos requêtes API ou même vos logs serveur, vous entrez dans le monde des probabilités conditionnelles.
Par exemple, si vous mesurez le taux de réussite d’un formulaire, vous n’avez pas besoin de connaître seulement la proportion globale de réussites. Vous devez aussi savoir :
- le taux de réussite sachant que l’utilisateur navigue sur mobile,
- le taux de réussite sachant qu’il vient depuis une publicité,
- le taux de réussite sachant qu’il utilise une connexion lente.
Chaque fois que vous ajoutez une condition, vous révélez une vérité cachée.
Pour améliorer les performances de vos scripts
Supposons que vous optimisiez une application qui charge trois API externes. Vous savez que :
- 20% des chargements dépassent deux secondes.
Mais vous remarquez aussi que :
- Parmi les utilisateurs dont le DNS est hébergé à l’étranger, 45% dépassent deux secondes.
Cette différence gigantesque est un signal fort. Cela signifie que la lenteur ne touche pas tout le monde de la même manière. Sans probabilité conditionnelle, vous ne pouvez pas détecter ce type de pattern.
Pour comprendre les relations entre événements
Certaines situations semblent aléatoires alors qu’elles sont en réalité liées. La probabilité conditionnelle permet de révéler ces liens, même lorsqu’ils ne sont pas évidents au premier regard.
Si un script plante plus souvent lorsqu’une tâche CRON s’exécute en parallèle, ou si un utilisateur quitte votre site plus souvent lorsqu’une fenêtre de consentement apparaît, vous êtes face à des événements dépendants.
Nous allons justement aborder cette notion d’indépendance car elle est inséparable de la probabilité conditionnelle.
Comprendre l’indépendance entre deux événements
Après avoir exploré la probabilité conditionnelle, il est temps de s’intéresser à une notion qui lui est intimement liée : l’indépendance. Ce mot semble simple, presque évident, mais il cache plusieurs subtilités essentielles, surtout quand on débute.
En probabilités, deux événements sont indépendants si le fait que l’un se produise n’a aucune influence sur la probabilité que l’autre se produise. En d’autres termes, connaître l’issue du premier ne change absolument rien à l’évaluation du second.
L’intuition derrière l’indépendance
Imaginez que vous lanciez une pièce équilibrée. Vous savez que la probabilité d’obtenir pile est de 1 sur 2. Maintenant, vous relancez cette même pièce. Le résultat de la première tentative ne change rien à votre deuxième lancer. La probabilité d’obtenir pile reste de 1 sur 2.
Dans cet exemple, les deux lancers sont indépendants.
Connaître le premier n’apporte aucune information utile pour prédire le second. Mais attention : toutes les situations ne sont pas aussi simples. Bien souvent, deux événements qui semblent indépendants ne le sont pas du tout.
Illustration avec un exemple concret
Prenons une situation du quotidien. Supposons que vous soyez dans votre cuisine et que vous fassiez infuser du thé. Au même moment, quelqu’un sonne à la porte. Est-ce que le fait que votre thé soit en train d’infuser augmente les chances que quelqu’un sonne ? Bien sûr que non.
Les deux événements sont donc indépendants.
Mais si je modifie un tout petit élément du contexte, la situation change complètement. Imaginons que vous attendiez un livreur précisément à cette heure-là. Le fait de préparer votre thé à ce moment, parce que vous savez que le livreur arrive bientôt, crée une dépendance indirecte. L’infusion n’a aucune influence directe sur la sonnette, mais elle n’est plus totalement indépendante de cet événement.
Ce type de nuance devient très important lorsque l’on analyse des données, car tout dépend du contexte réel, pas de notre perception superficielle.
La définition mathématique
Deux événements A et B sont indépendants si et seulement si :
P(A et B) = P(A) × P(B)Cette équation, simple en apparence, a une signification profonde.
Elle indique que, lorsque deux phénomènes sont réellement indépendants, les chances qu’ils surviennent en même temps sont exactement le produit de leurs probabilités individuelles.
Par exemple :
- P(A) = 0,5
- P(B) = 0,3
Alors, s’ils sont indépendants :
P(A et B) = 0,5 × 0,3 = 0,15Autrement dit, aucune influence, aucune condition, aucune modification.
Pourquoi l’indépendance est si importante
L’indépendance permet d’identifier si deux phénomènes sont liés ou non. Dans de très nombreux domaines, c’est une question fondamentale.
Dans le développement web et l’analyse de données utilisateur, elle est cruciale pour éviter de tirer des conclusions fausses ou trompeuses.
Si deux événements semblent aller ensemble mais ne sont pas réellement liés, vous pourriez optimiser votre site dans la mauvaise direction. À l’inverse, si des événements sont dépendants et que vous les traitez comme indépendants, vous risquez de passer à côté d’un problème important.
Nous allons maintenant voir des exemples réalistes pour éclairer cette notion.
Exemples appliqués au développement web
Pour rendre cette notion totalement vivante, explorons plusieurs situations tirées du développement web, où les probabilités conditionnelles et l’indépendance jouent un rôle central.
Exemple 1 : les performances d’un site
Supposons que vous analysiez les performances de votre site web. Vous remarquez que :
- 30% des utilisateurs rencontrent une lenteur lors du chargement d’une page.
Vous remarquez également que :
- 20% de vos visiteurs utilisent un smartphone ancien.
La question est : les deux événements sont-ils indépendants ?

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Découvrez mes formations Qui suis-je ?Si la probabilité de subir une lenteur, sachant que l’utilisateur utilise un vieux smartphone, est également de 30%, alors les deux phénomènes n’ont aucun lien.
P(lenteur | vieux smartphone) = 0,30Cela signifie que les lenteurs surviennent partout de la même manière, sans dépendre de la puissance de l’appareil. Mais si vous observez plutôt :
P(lenteur | vieux smartphone) = 0,55Alors l’information change tout. Les deux événements ne sont plus indépendants. Le vieux smartphone influence clairement les performances.
Dans ce cas, vous savez où agir : compression d’images, simplification du DOM, réduction des scripts, etc…
Exemple 2 : un formulaire qui bug selon le navigateur
Prenons un scénario très fréquent. Votre formulaire fonctionne parfaitement sur Chrome. Mais vous remarquez que le taux d’abandon sur Firefox est deux fois plus élevé.
- Event A : l’utilisateur abandonne le formulaire.
- Event B : l’utilisateur utilise Firefox.
Si vos statistiques montrent que :
P(abandon) = 0,15mais
P(abandon | Firefox) = 0,35alors les événements sont dépendants.
Et si vous testez le formulaire sur Firefox, vous trouverez probablement un petit détail oublié : une validation HTML5 gérée différemment, une API incompatible, ou un polyfill manquant.
Sans probabilité conditionnelle, vous auriez pensé que 15% d’abandons « faisait partie du jeu ». Mais en réalité, l’abandon dépendait fortement du navigateur.
Exemple 3 : une analyse marketing faussée
Prenons un exemple concret : Une agence comparait la performance de deux pages d’atterrissage (landing page). L’une affichait un taux de conversion de 8%, l’autre un taux de 12%. L’agence conclut que la seconde était meilleure.
Puis quelqu’un eut l’idée d’ajouter une condition : regarder uniquement les visiteurs sur mobile.
Résultat :
- P(conversion | mobile) sur la page 1 = 11%
- P(conversion | mobile) sur la page 2 = 5%
Le verdict s’inversait complètement. La probabilité conditionnelle révélait une dépendance que les chiffres globaux masquaient totalement.
Cela montre à quel point il est dangereux de se fier à des probabilités globales lorsqu’une relation existe entre les événements.
Quand l’indépendance n’existe pas : les événements dépendants
Maintenant que vous comprenez l’indépendance, intéressons-nous à l’autre côté de la médaille : les événements dépendants.
Des événements sont dépendants lorsque l’information sur l’un modifie la probabilité de l’autre. C’est exactement ce que l’on mesure grâce à la probabilité conditionnelle.
Le lien avec la probabilité conditionnelle
Si deux événements A et B étaient indépendants, alors :
P(A | B) = P(A)Mais lorsque ce n’est pas le cas, leurs probabilités conditionnelles changent, parfois de manière subtile, parfois de manière radicale.
Cela peut venir :
- d’un lien statistique naturel,
- d’un lien causal direct,
- ou d’un biais dans la collecte des données.
Évaluer cette dépendance permet d’éviter de fausses corrélations et de comprendre réellement ce qui influence quoi.
Exemple simple à comprendre
Supposons que vous développiez une API. La probabilité qu’elle renvoie une erreur 500 est de 3%. Mais vous observez que :
P(erreur 500 | heure de pointe) = 9%Vous avez donc une dépendance claire. Le fait d’être en heure de pointe modifie lourdement la probabilité d’une erreur. L’indépendance n’existe plus : l’état du système influence directement la probabilité d’un événement.
Pourquoi cette distinction est cruciale
Dans le développement web, la dépendance entre événements est partout :
- les erreurs dépendent souvent du nombre de requêtes,
- les abandons dépendent de la fluidité du parcours,
- les clics dépendent du contexte d’affichage,
- les rebonds dépendent du type d’appareil.
Comprendre cette dépendance vous permet d’améliorer les performances de façon précise, plutôt que d’essayer un correctif au hasard.
La formule de Bayes : une porte d’entrée vers le raisonnement probabiliste moderne
Impossible de parler de probabilité conditionnelle sans évoquer la fameuse formule de Bayes. Ne fuyez pas : même si son nom semble austère, son idée est très simple et elle est incroyablement utile pour tout développeur web qui analyse des données.
Bayes permet de répondre à une question fondamentale : comment mettre à jour notre estimation d’une probabilité quand une nouvelle information apparaît ? Autrement dit : comment réviser ce que l’on croit vrai quand on apprend quelque chose d’important ?
Pour faire simple, la formule de Bayes est un outil en probabilités qui nous aide à mettre à jour ce que l’on croit. Imaginez que vous ayez une idée de départ sur la chance qu’un événement se produise (par exemple, la chance qu’il pleuve). Si vous obtenez une nouvelle information (par exemple, vous voyez des nuages noirs), la formule vous dit comment utiliser cette information pour calculer la nouvelle, et meilleure, chance que l’événement se produise. En bref, elle permet de réviser nos probabilités initiales grâce à de nouvelles preuves.
La formule écrite simplement
La formule de Bayes s’écrit :
P(A | B) = [P(B | A) × P(A)] / P(B)Cela peut paraître dense la première fois, mais chaque élément est intuitif.
- P(A) : la probabilité initiale de A, avant d’avoir des informations.
- P(B | A) : la probabilité d’observer B quand A est vrai.
- P(B) : la probabilité générale d’observer B, toutes situations confondues.
Ce que l’on cherche est P(A | B) : la probabilité de A sachant que B est observé.
Prenons maintenant un exemple concret pour ancrer ces notions.
Exemple 1 : un test de sécurité sur une API
Supposons que vous développiez une API et que vous installiez un module de détection d’intrusions. Ce module déclenche une alerte lorsqu’il suspecte un comportement anormal. On suppose que :
- L’API subit de vraies attaques 1% du temps.
- Le module détecte l’attaque 90% du temps lorsqu’elle est réelle.
- Il se trompe 5% du temps en déclenchant une alerte injustifiée.
Un jour, le module déclenche une alerte. Quelle est la probabilité que ce soit une véritable attaque ? Intuitivement, beaucoup de gens répondent 90%. Mais c’est faux. Utilisons Bayes.
- A : il y a une vraie attaque
- B : une alerte se déclenche
Nous savons que :
P(A) = 0,01
P(B | A) = 0,90
P(B | non A) = 0,05
P(non A) = 0,99P(B) = P(B | A) × P(A) + P(B | non A) × P(non A)
P(B) = 0,90 × 0,01 + 0,05 × 0,99
P(B) = 0,009 + 0,0495
P(B) = 0,0585Enfin, Bayes :
P(A | B) = [P(B | A) × P(A)] / P(B)
P(A | B) = (0,90 × 0,01) / 0,0585
P(A | B) ≈ 0,1538Autrement dit : même si une alerte se déclenche, il n’y a qu’environ 15% de chances qu’il s’agisse d’une vraie attaque. C’est contre-intuitif, mais extrêmement important. Cela illustre parfaitement à quoi sert Bayes : voir réellement au-delà de nos intuitions.
Exemple 2 : un formulaire qui échoue
Supposons maintenant que vous ayez ajouté une vérification du côté serveur pour éviter les injections SQL.
- 90% des vraies tentatives d’injection sont détectées.
- Mais 4% des formulaires parfaitement valides déclenchent aussi cette détection.
La probabilité qu’une soumission soit une vraie injection, sachant que l’alerte apparaît, dépend alors des probabilités globales.
Si seulement 0,2% des requêtes sont réellement malveillantes, le système aura énormément de faux positifs. La formule de Bayes vous permet d’ajuster vos alertes et de comprendre si vous devez revoir votre système de validation.
Ce type de raisonnement est crucial dans la sécurité web, le machine learning, et même dans l’affichage d’annonces ciblées.
Pièges classiques et erreurs à éviter
Les probabilités conditionnelles et l’indépendance sont des notions puissantes, mais elles sont souvent mal comprises. Voici les pièges les plus courants, expliqués simplement.
Confondre corrélation et dépendance
Deux phénomènes peuvent sembler aller ensemble sans avoir de lien direct. C’est la fameuse corrélation trompeuse.
Par exemple, les ventes de glaces augmentent l’été. Les noyades augmentent aussi l’été. Cela ne signifie pas que manger une glace entraîne une noyade.
Un lien statistique ne signifie pas une influence.
Dans vos analyses web, vous verrez souvent deux courbes qui semblent évoluer ensemble. Avant de conclure, demandez-vous toujours :
- est-ce une vraie dépendance ?
- ou un simple hasard lié au contexte ?
Oublier le contexte
Les probabilités globales masquent souvent des réalités essentielles. Si vous regardez un taux de conversion de 20%, cela ne signifie rien tant que vous n’avez pas examiné :
- la conversion sur mobile,
- la conversion sur desktop,
- la conversion en France,
- la conversion depuis Google Ads.
La probabilité conditionnelle permet justement de réintroduire le contexte.
Interpréter une probabilité comme une certitude
Si une probabilité est élevée, ce n’est jamais une preuve absolue. Beaucoup de débutants pensent, par exemple, que :
P(A | B) = 0,80 signifie que A arrive toujours quand B est vrai.
Mais une probabilité de 80% signifie seulement qu’en moyenne, sur un grand nombre de cas, A apparaît dans 80% des situations où B est observé.
Une probabilité n’est pas une prédiction parfaite, mais une mesure de tendance.
Synthèse des notions clé : conditionnel et indépendant
Prenons quelques instants pour remettre en perspective ce que vous avez appris, toujours avec des mots simples.
La probabilité conditionnelle sert à recalculer une probabilité en tenant compte d’une information supplémentaire. Elle dit : « parmi les cas où B est vrai, quelles sont les chances que A soit vrai ? »
L’indépendance, elle, dit exactement l’inverse : « B ne change rien à A. Connaître B ne sert à rien pour prédire A. »
Ces deux notions sont inséparables. Si P(A | B) est égal à P(A), les événements sont indépendants. Sinon, ils sont dépendants.
Elles forment une base indispensable pour toute analyse rigoureuse, qu’il s’agisse de données web, de sécurité, de marketing ou même de prédiction de performance.
Apprendre les probabilités conditionnelles et l’indépendance, c’est un peu comme apprendre à mieux lire la réalité. Ces concepts ne se limitent pas à des formules sur un tableau ; ils deviennent de véritables outils de réflexion, presque des lunettes qui vous permettent de voir ce qui influence quoi dans un système. Et dans le développement web, où tout est une histoire de comportements, de données et de contextes variables, ces lunettes sont précieuses.
En comprenant comment une information change une probabilité, vous devenez capable d’anticiper des problèmes, d’affiner vos analyses, de repérer des dépendances cachées et de prendre des décisions beaucoup plus éclairées. Cela vous permet de ne plus subir des statistiques globales, mais de les comprendre en profondeur, avec la finesse nécessaire pour optimiser votre site, vos scripts ou votre expérience utilisateur.
Si vous poursuivez votre exploration des mathématiques appliquées au développement web, vous verrez que ces notions sont souvent le point de départ d’outils plus avancés : la détection d’anomalies, la recommandation, les algorithmes de classification, ou encore les prédictions basées sur le comportement utilisateur.
Vous venez de mettre un pied dans un domaine passionnant, et chaque chapitre ouvrira de nouvelles portes. Les probabilités ne sont pas là pour compliquer les choses : elles sont là pour vous aider à comprendre, anticiper et créer des expériences plus intelligentes.

