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Maths et développement web : Comprendre la complexité P, NP

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Derrière les interfaces que nous construisons se cache une question essentielle : comment résoudre efficacement des problèmes complexes avec des machines dont les ressources ne sont pas infinies ? C’est ici qu’intervient la théorie de la complexité, un domaine des mathématiques et de l’informatique qui étudie la difficulté des problèmes et la quantité de ressources nécessaires pour les résoudre.

Même si ce thème peut sembler abstrait au premier regard, il est loin d’être théorique. Il influence la conception d’algorithmes, la rapidité des sites web, la sécurité des données, le fonctionnement de l’intelligence artificielle et même la manière dont les cyberattaques sont contrées.

  • Comprendre comment reconnaître les problèmes simples de ceux qui deviennent rapidement ingérables, afin de faire des choix techniques plus intelligents.
  • Savoir pourquoi l’IA utilise des approximations et comment cela influence la qualité et les limites des algorithmes utilisés au quotidien.
  • Prendre conscience du rôle de la complexité dans la cybersécurité et mieux mesurer l’importance des mécanismes de chiffrement qui protègent les données.

L’objectif de ce chapitre est d’expliquer, avec des mots simples et des exemples concrets, les notions fondamentales de la complexité : les classes PNPNP-complet, et leurs implications dans les domaines de l’optimisation, de l’IA et de la cybersécurité. Vous verrez qu’il n’est pas nécessaire d’être mathématicien pour comprendre tout cela. Il suffit de prendre le temps de poser les idées, une par une.

Et comme souvent en informatique, la patience et la curiosité sont vos meilleures alliées.

Qu’est-ce qu’un problème en informatique ?

Dans la théorie de la complexité, un problème n’est pas forcément un bug ou une difficulté rencontrée pendant un projet. Il s’agit plutôt d’une tâche précise à accomplir. Par exemple :

  • Trouver le plus grand nombre dans une liste.
  • Déterminer si un mot contient exactement trois lettres a.
  • Détecter si deux images sont similaires.
  • Optimiser un trajet entre plusieurs villes.

Un problème peut être simplemoyen ou très difficile à résoudre. Ce qui nous intéresse ici est le niveau de difficulté, c’est-à-dire le temps que cela prend pour un ordinateur, en fonction de la taille des données à traiter.

Prenons un exemple simple : Si vous devez vérifier si une liste contient le nombre 42, il suffit de parcourir la liste élément par élément. Si la liste contient dix nombres, c’est rapide. Si elle en contient dix millions, c’est plus long, mais l’algorithme reste le même. La difficulté augmente doucement.

Mais imaginons maintenant que vous deviez trouver le trajet le plus court passant par dix villes, en visitant chacune une seule fois. Là, la situation change complètement. Il faut tester toutes les combinaisons possibles, et leur nombre explose très vite. Ce type de croissance s’appelle une explosion combinatoire.

Cette différence entre des problèmes qui s’agrandissent tranquillement et ceux qui deviennent ingérables extrêmement vite est au cœur de la théorie de la complexité.

Les problèmes « faciles » : la classe P

La classe P regroupe les problèmes qui peuvent être résolus efficacement par un ordinateur. Le P signifie polynomial, mais ne vous laissez pas impressionner : cela veut dire que le temps nécessaire pour résoudre le problème augmente raisonnablement avec la taille des données.

Par exemple :

  • Trier une liste de prénoms.
  • Chercher un mot dans un fichier.
  • Vérifier si un nombre est pair ou impair.

Dans le développement web, ces problèmes sont omniprésents :

  • Calculer un total dans un panier d’achat
  • Vérifier qu’un mot de passe contient au moins huit caractères
  • Compter les likes sur une publication

On peut toujours les résoudre rapidement, même si le site a beaucoup d’utilisateurs. On dit que ce sont des problèmes tractables. Ils sont gérables.

On dit qu’un algorithme est polynomial quand le temps qu’il met à s’exécuter augmente de manière « raisonnable » en fonction de la taille du problème.

En pratique, cela signifie que si vous doublez la quantité de données à traiter, le temps de calcul augmente, mais pas au point de devenir impossible à gérer. Par exemple, si un algorithme met 1 seconde pour traiter 1 000 données, il mettra peut-être 2 secondes pour 2 000 données, ou 4 secondes pour 4 000. La croissance reste gérable.

À l’inverse, lorsqu’un algorithme n’est pas polynomial, le temps de calcul explose très vite. Parfois, si vous doublez les données, le temps de calcul peut être multiplié par 100, 1 000 ou davantage. C’est ce qu’on appelle souvent l’explosion combinatoire, et c’est là que l’ordinateur finit par devenir trop lent, même si la machine est très puissante.

C’est pourquoi, en informatique, on cherche autant que possible à utiliser ou à concevoir des algorithmes dont le temps de calcul est polynomial : ce sont ceux qui restent réellement utilisables en pratique.

Les problèmes où l’on peut vérifier, mais pas forcément résoudre vite : la classe NP

La classe NP, c’est là que les choses deviennent intéressantes. NP signifie Non Déterministe Polynomial, mais l’idée essentielle est simple :

Un problème est dans NP si on peut vérifier rapidement une solution, même si on ne sait pas toujours la trouver rapidement.

Prenons un exemple concret, très utilisé dans l’informatique théorique : le sac à dos (knapsack problem).

Imaginez un sac à dos avec un poids maximum. Vous avez des objets, chacun avec un poids et une valeur. Vous voulez choisir la combinaison d’objets qui donne la plus grande valeur sans dépasser la capacité du sac.

Pour trouver la meilleure combinaison, il faudrait tester toutes les possibilités. Si vous avez 50 objets, c’est beaucoup trop long. Cependant, si quelqu’un vous donne une combinaison et vous dit : « Voilà la meilleure », vous pouvez rapidement :

  • Calculer le poids total
  • Calculer la valeur totale
  • Vérifier que c’est bien dans les limites

La vérification est rapide, même si la recherche est très lente. C’est cela, un problème NP.

Pour faire simple, Non Déterministe Polynomial, abrégé NP, désigne donc une catégorie de problèmes pour lesquels il est difficile de trouver une solution, mais très facile de vérifier si une solution proposée est correcte.

Autrement dit, l’ordinateur peut avoir du mal à « deviner » la bonne réponse, mais si on lui donne une réponse toute faite, il peut rapidement confirmer si elle fonctionne ou non.

Un problème NP n’est pas forcément impossible à résoudre, mais il peut devenir très long à calculer. Cependant, si une solution tombe entre vos mains, vous pouvez la valider très vite. C’est ce qui distingue NP des problèmes qui sont vraiment simples à résoudre du début à la fin.

Le mythe (ou presque) du P = NP

La grande question, presque philosophique, de la théorie de la complexité est la suivante :

Si l’on peut vérifier une solution rapidement, peut-on forcément la trouver rapidement ?

En d’autres termes : P = NP ?

Personne ne le sait. Cela fait 50 ans que les plus grands chercheurs s’y cassent les dents. Si un jour quelqu’un prouve que P = NP, l’informatique et le web seraient bouleversés :

  • Les algorithmes d’optimisation deviendraient ultra efficaces
  • L’IA progresserait brutalement
  • Mais… la cybersécurité s’effondrerait

En effet, une bonne partie des systèmes de cryptage reposent sur l’idée qu’il est facile de vérifier une solution, mais extrêmement difficile de la trouver.

Tout se tient.

Une anecdote circule dans certaines universités : un étudiant aurait un jour prétendu démontrer que P = NP. Lorsqu’on lui a demandé la preuve, il a répondu qu’elle tenait sur une serviette en papier… mais il l’avait jetée.

On raconte cette histoire pour rappeler que résoudre P = NP n’est pas seulement une question d’intelligence, mais aussi de rigueur, de temps et peut-être d’un peu de chance.

Quand NP devient vraiment compliqué : les problèmes NP-complets

Parmi les problèmes de la classe NP, certains sont particulièrement difficiles. On les appelle les problèmes NP-complets.

Pour simplifier : si quelqu’un trouvait une méthode rapide pour résoudre un seul problème NP-complet, alors tous les problèmes NP deviendraient faciles. Ces problèmes représentent le cœur de l’optimisation informatique.

Exemple concret : le voyageur de commerce.

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  • Trouver le chemin le plus court passant par toutes les villes.
  • Le nombre de combinaisons explose.
  • Même les superordinateurs peuvent caler.

Et pourtant, ces problèmes apparaissent partout :

  • Livraison en logistique
  • Optimisation de trajets GPS
  • Agencement d’horaires scolaires
  • Répartition de ressources serveurs

Quand vous voyez une application qui calcule un itinéraire parfait en quelques secondes, souvenez-vous que ce n’est pas une solution parfaite. C’est une approximation, une solution « suffisamment bonne ».

L’informatique moderne est souvent une affaire de compromis.

Optimisation : quand la complexité guide la manière de coder

Dans le développement web, on est régulièrement confronté à des problèmes d’optimisation sans forcément le savoir. Par exemple, lorsqu’un site devient lent, on cherche à réduire le temps de réponse, à optimiser les requêtes SQL, ou à alléger le JavaScript chargé dans le navigateur. Mais derrière ces pratiques se cache une idée plus profonde : comment éviter de tomber dans des situations où la complexité explose ?

Reprenons un exemple que l’on rencontre parfois dans des projets réels : la recherche dans une base de données. Tant que vous utilisez des requêtes simples sur des tables raisonnables, tout va bien. Mais si vous commencez à :

Vous pouvez très vite passer d’une opération rapide à une opération qui demande un temps considérable.

Dans les grandes entreprises, il est fréquent de voir des développeurs passer plusieurs jours à optimiser une seule requête SQL. Pas parce qu’ils ont mal codé, mais parce que la structure du problème est, par nature, complexe.

L’optimisation consiste alors à éviter les explosions combinatoires. Cela signifie repenser la logique, trouver des raccourcis, supprimer des calculs inutiles. Un bon développeur n’est pas celui qui écrit le plus de code, mais celui qui en écrit le moins pour obtenir le même résultat.

En un sens, comprendre la complexité, c’est apprendre à penser autrement.

Intelligence artificielle : approximation plutôt que perfection

Lorsque l’on parle d’intelligence artificielle, on imagine souvent des algorithmes « intelligents » capables de prendre les meilleures décisions. Pourtant, dans la majorité des cas, l’IA ne cherche pas la meilleure solution, mais une solution qui est simplement suffisamment bonne.

Pourquoi ? Parce que beaucoup de problèmes traités par l’IA sont de nature NP ou NP-complets.

Prenons la reconnaissance d’image. Identifier un visage sur une photo revient à comparer ce visage avec des millions d’autres, tout en prenant en compte les variations d’angle, de lumière, de résolution. Résoudre cela parfaitement demanderait une puissance de calcul astronomique.

L’IA contourne la difficulté en apprenant des modèles, c’est-à-dire des raccourcis, des règles implicites, des approximations qui permettent d’arriver à une réponse correcte dans la majorité des cas.

C’est la raison pour laquelle une IA peut se tromper, parfois de manière surprenante. Vous avez peut-être déjà vu des exemples d’IA qui confondent un chat avec un gâteau. Ce n’est pas une blague : cela arrive réellement.

L’IA n’est pas infaillible ; elle extrapole. Elle reconnaît des formes probables, elle ne calcule pas toutes les possibilités. Si l’on appliquait la théorie de la complexité à l’IA, on pourrait résumer ainsi :

L’IA fonctionne parce qu’elle évite le pire.

Elle trouve des solutions en se contentant du bon, plutôt que de chercher l’optimal absolu.

Cybersécurité : la complexité comme bouclier

La cybersécurité repose précisément sur l’idée inverse : rendre la recherche de la solution la plus compliquée possible.

Lorsque vous vous connectez à un site avec HTTPS, celui-ci utilise généralement des algorithmes de chiffrement basés sur des problèmes mathématiques difficiles, souvent liés à la factorisation ou aux logarithmes discrets.

Voici une idée essentielle : La sécurité informatique repose sur un déséquilibre volontaire.

Pour chiffrer un message, il suffit d’une clé. Pour le déchiffrer sans la clé, il faudrait explorer toutes les possibilités. Et ce nombre de possibilités augmente tellement vite qu’il devient impraticable de tester toutes les combinaisons.

Autrement dit :

  • Chiffrer est un problème de classe P.
  • Déchiffrer sans la clé est un problème proche du NP.

Cela maintient la sécurité tant que personne ne trouve une méthode rapide pour résoudre un problème réputé difficile.

Ce qui explique pourquoi la question « P = NP ? » est si cruciale. Si un jour on prouve que P = NP :

  • Les algorithmes de cryptage deviendraient vulnérables
  • Les mots de passe ne protégeraient plus rien
  • Les communications sécurisées tomberaient en quelques minutes
  • La plupart des données sur internet deviendraient accessibles

On pourrait même imaginer des scénarios où les blockchains s’effondrent, les systèmes bancaires deviennent instables, et toutes les informations privées circulent librement. La cybersécurité repose donc sur une vérité simple :

Nous sommes protégés parce que certains calculs sont très difficiles.

Ce que cela signifie pour vous, en tant que développeur web

Vous n’avez pas besoin de devenir expert en mathématiques pour appliquer ces idées dans votre pratique. Cependant, garder à l’esprit la notion de complexité peut changer votre manière de travailler. Lorsque vous écrivez un algorithme, demandez-vous :

Comment ce code va-t-il se comporter si les données sont dix fois plus grandes ?
Et cent fois plus grandes ?

Si vous générez des pages, des requêtes, des listes, des images, pensez à leur évolutivité. La complexité est aussi un outil pour faire des choix. Par exemple :

  • Utiliser un système de cache plutôt que recalculer
  • Indexer une colonne de base de données plutôt que faire des recherches complètes
  • Limiter des boucles imbriquées pour éviter des traitements exponentiels

Chaque décision compte. Comprendre P, NP et l’explosion combinatoire vous aide à éviter les pièges qui ne se révèlent qu’avec la croissance.

Et si vous travaillez un jour sur un projet ambitieux, vous serez heureux d’avoir pris l’habitude d’y penser.

Pourquoi la théorie de la complexité compte vraiment

La théorie de la complexité n’est pas qu’une curiosité mathématique. Elle est la colonne vertébrale invisible de la manière dont nous concevons, optimisons et sécurisons les systèmes numériques. Elle explique pourquoi certains problèmes sont simples et d’autres presque impossibles. Elle éclaire les limites de la puissance de calcul, l’importance des approximations dans l’intelligence artificielle, et le fonctionnement même de la cybersécurité.

En comprenant la différence entre P et NP, vous apprenez à reconnaître où se trouvent les difficultés réelles. Vous apprenez à ne pas vous battre contre des problèmes intractables, mais à les contourner intelligemment. La complexité, finalement, est une école d’humilité autant qu’un outil intellectuel. Elle rappelle que coder n’est pas seulement écrire des instructions : c’est réfléchir, anticiper et créer des solutions élégantes.

Si vous retenez une idée, que ce soit celle-ci :

Un bon développeur n’est pas celui qui résout les problèmes les plus compliqués, mais celui qui sait identifier quand un problème peut devenir trop coûteux, et adapter sa stratégie en conséquence.

Vouloir comprendre la complexité, c’est déjà commencer à la maîtriser.